C'est l'histoire d'un sauvetage réciproque et d'un partenariat qui a produit des légendes.
Contexte : Deux Géants en Difficulté (Années 1970)
1. Carl Zeiss (Oberkochen, Allemagne de l'Ouest) : Le saint patron de l'optique, incontesté depuis plus d'un siècle.
Possède un département photo prestigieux (pour les boîtiers Contax et les objectifs) mais inefficace et extrêmement coûteux.
La fabrication allemande rend les produits hors de prix sur un marché dominé par les innovations japonaises (Nikon, Canon, Minolta).
Zeiss a besoin de rationaliser sa production et de réduire drastiquement ses coûts pour survivre dans le marché grand public.
2. Yashica (Japon) : Un fabricant japonais réputé pour ses appareils fiables et abordables, mais perçu comme une marque "milieu de gamme".
En difficulté financière et technologique face à la concurrence féroce des grands (Nikon, Canon).
Manque cruellement de prestige, d'image haut de gamme et de savoir-faire optique de pointe pour percer sur le marché professionnel.
A besoin d'un coup de projecteur et d'une technologie d'avant-garde.
Le Pacte (1974) : Un Mariage de Raison Parfait
Les besoins des deux s'épousent à la perfection. En 1974, ils signent un accord de coopération technique et commerciale d'une grande intelligence :
Le Rôle de Chacun :
Zeiss (le Cerveau/Le Designer) :
Fournit l'expertise optique ultime, le design des objectifs (formules, calculs, spécifications).
Donne accès à sa technologie brevetée, notamment le traitement anti-reflets T* (T-Star).
Contrôle qualité strict : chaque lot de verre, chaque objectif assemblé devait passer les tests et l'approbation des ingénieurs Zeiss avant commercialisation.
Offre le nom mythique "Contax" pour la nouvelle ligne de boîtiers reflex haut de gamme.
Yashica (les Mains/L'Usine) :
Prend en charge la conception et la fabrication des boîtiers d'appareils photo.
Fabrique en série les objectifs selon les plans et spécifications de Zeiss, dans ses usines japonaises modernes et efficaces.
Gère la production à grande échelle, la logistique et une grande partie du marketing/distribution.
Apporte sa maîtrise de l'électronique (un point fort japonais à l'époque).
Le Résultat : Le Système Contax/Yashica (C/Y) et son Succès
1. La Monture Commune (C/Y) : La clé du succès. Une monture unique permettant d'utiliser les objectifs haut de gamme Zeiss et les objectifs plus abordables Yashica sur les mêmes boîtiers, qu'ils soient Contax ou Yashica haut de gamme.
2. Le Premier Bijou : Le Contax RTS (1974) : Un reflex électronique révolutionnaire, conçu par Yashica avec l'aide du designer légendaire F.A. Porsche. Il était robuste, innovant (céléromètre à quartz) et accueillait les premiers objectifs Zeiss T* fabriqués au Japon. Un choc sur le marché.
3. L'Alchimie Parfaite : Le mariage du design optique allemand et de la précision de fabrication japonaise s'est avéré génial. Les objectifs Zeiss T* fabriqués par Yashica étaient d'une qualité optique et mécanique exceptionnelle, mais à un prix bien plus accessible que s'ils étaient sortis d'usines allemandes.
4. La Reconnaissance : Le système a immédiatement séduit les photographes exigeants et les professionnels. Les optiques Zeiss T* (Planar 50mm f/1.4, Distagon 28mm f/2, etc.) sont devenues des légendes instantanées, louées pour leur rendu 3D, leur contraste et leur construction.
Évolution et Fin du Partenariat Années 1980-1990 : Succès constant avec des boîtiers innovants comme le Contax 139 Quartz, le Contax AX (premier AF par déplacement du film !), et les télémétriques Contax G1/G2. La collaboration fonctionne à merveille.
Changement de Propriétaire : En 1983, Yashica est racheté par Kyocera, le géant de la céramique et de l'électronique. Kyocera continue et finance le partenariat avec Zeiss, poussant même l'innovation (comme le Contax AX).
La Fin (2005) : Face au déclin du marché de l'argentique et à la montée irrésistible du numérique (domaine où Zeiss n'avait pas de boîtier), Kyocera décide de se retirer complètement du marché photo. La production des appareils Contax et des objectifs Zeiss C/Y cesse. Le partenariat prend fin après 30 ans
L'Héritage
Cette collaboration est aujourd'hui vue comme un cas d'école réussi :
Pour Zeiss : Elle a sauvé sa division photo grand public, lui a permis de rester un acteur majeur jusqu'à l'avènement du numérique, et a cimenté la réputation mythique de ses objectifs T* pour les générations futures.
Pour Yashica/Kyocera : Elle a propulsé la marque dans la cour des grands, a produit les appareils les plus prestigieux de son histoire et a démontré son savoir-faire technique.
Pour les Photographes : Elle a donné naissance à l'un des systèmes les plus appréciés et désirables de l'histoire de la photo, dont les optiques, grâce à leur monture manuelle robuste, connaissent une seconde vie phénoménale sur les appareils numériques sans miroir (Sony, Fujifilm, etc.) via des adaptateurs.
En résumé, l'histoire n'est pas "Zeiss/Contax confié à Yashica", mais plutôt une fusion stratégique des compétences. Zeiss n'a pas "confié" sa marque ; il a apporté son patrimoine intellectuel à un partenaire industriel de premier ordre capable de le réaliser à grande échelle. Ce fut un pari risqué, mais un triomphe qui a marqué l'histoire de la photographie.
Les optiques Objectifs pour monture Contax/Yashica (C/Y) (années 1970–2000)
Quand Contax a été relancé avec des reflex et boîtiers modernes (RTS, 159, etc.) en partenariat avec Yashica/Kyocera :
Zeiss a développé une large gamme d’objectifs en monture C/Y.
Apotelyt
Ces objectifs étaient produits soit en Allemagne (généralement marqués “Made in West Germany”), soit au Japon (marqués “Made in Japan”) selon les versions et périodes.
Leica (Allemagne) : La référence ultime en 35mm pour beaucoup
Philosophie : Compacité, construction mécanique inégalée, piqué exceptionnel et micro-contraste dès les grandes ouvertures. Renommés pour leur rendu naturel en trois dimensions
Références emblématiques :
Summicron 50mm f/2 (toutes versions, notamment la rigid et la v5) : L'étalon-or, le "nifty fifty" par excellence. Parfait équilibre entre correction et caractère.
Summilux 35mm f/1.4 (version pré-asphérique, dite "Steel Rim" ou "v2") : Mythique pour son rendu doux et onirique à f/1.4.
Noctilux 50mm f/1.2 / f/1.0 : Les rois de la basse lumière, avec un bokeh unique et une aberration sphérique volontairement maîtrisée pour le "glow" caractéristique.
Carl Zeiss (Allemagne) : L'excellence scientifique et un rendu très contrasté.
Philosophie : Correction extrême des aberrations, contraste et couleurs saturées, netteté "tranchante". Deux grandes familles : les T* (T pour *T Transmission*, multi-coated) et les non-T* (rendu plus classique).
Références emblématiques :
Planar 50mm f/1.4 / f/1.7 (pour Contax/Yashica) : La réponse de Zeiss au Summicron. Le Planar 50mm f/1.7 est considéré comme l'un des objectifs les plus parfaits techniquement.
Sonnar 85mm f/2.8 (pour Contax G) : Légendaire pour son bokeh doux et son rendu portraitiste unique.
Distagon 35mm f/1.4 (pour Contax/Yashica) : Un grand-angle lumineux aux performances phénoménales.
Nikon (Japon) : La robustesse et la cohérence.
Philosophie : Construction en acier et laiton ("tanks Nikons"), gamme extrêmement complète. Objectifs souvent très francs, contrastés et fiables. Les séries AI-S (manuels) sont des icônes.
Références emblématiques :
Nikkor 50mm f/1.2 AI-S : Lumineux, avec un bokeh crémeux très apprécié.
Nikkor 105mm f/2.5 AI-S (design Sonar) : Un des plus grands objectifs portrait de l'histoire, rendu sublime.
Nikkor 28mm f/2.8 AI-S (version à déplacement de pupille) : Un grand-angle à la distorsion nulle, prisé des photographes d'architecture.
Canon (Japon) :
Pour le FD (monture à baïonnette, pré-1987) :
Philosophie : Objectifs très bien corrigés, souvent avec des couleurs chaleureuses.
Références : FD 50mm f/1.4 SSC, FD 85mm f/1.2 L (une prouesse pour l'époque), FD 35mm f/2 à lentille concave (rendu unique).
Pour le Leica R (objectifs reflex de 24x36 sous la marque Leica, souvent fabriqués par Canon et Minolta) : Summicron-R 50mm f/2, Elmarit-R 28mm f/2.8.
Voigtländer (Allemagne/ Japon) :
Philosophie : Dans sa période historique, renommé pour ses objectifs à l'anthracite (maintien du contraste). Les objectifs modernes Cosina Voigtländer perpétuent cette tradition avec des optiques manuelles de grande qualité.
2. Les Formules Optiques Légendaires (indépendamment de la monture)
Certaines conceptions optiques sont des références en soi :
Le Planar (Zeiss, 1896) : La base de la plupart des 50mm modernes. Excellente correction, mais à l'origine sujet au flare.
Le Tessar (Zeiss, 1902) : Formule simple à 4 éléments en 3 groupes ("l'œil de l'aigle"). Renommé pour sa netteté à f/8, utilisé dans des milliers d'objectifs.
Le Sonnar (Zeiss, 1929) : Formule à lentilles accolées. Connu pour son excellent contraste, sa douceur et son bokeh. Utilisé par Nikon (105mm f/2.5), Zeiss (85mm) et Contax.
Le Double Gauss (dérivé du Planar) : La base des objectifs lumineux (f/1.4 à f/2). Utilisé par Leica (Summicron), Nikon, etc.
3. Les Références "Haut de Gamme" et Spécialisées
Hasselblad (Suède) - Format 6x6 : Les objectifs Zeiss pour Hasselblad (série C, CF, etc.) comme le Planar 80mm f/2.8 ou le Distagon 40mm f/4 sont des références absolues en moyen format.
Mamiya / Pentax 67 (Japon) - Format 6x7 : Le Mamiya 80mm f/1.9 pour le RB/RZ67 est une prouesse, tout comme les objectifs Takumar pour le Pentax 67.
Large Format (Chambre) : Schneider-Kreuznach, Rodenstock, Fujinon. Leurs objectifs à couverture large et corrections poussées (ex: Schneider Super-Angulon, Rodenstock Apo-Sironar-S) sont l'étalon-or.
4. Pour résumer:
Les références incontournables tournent souvent autour de Leica (pour le rendu et la construction), Zeiss (pour la "perfection" optique et le contraste) et Nikon (pour la robustesse et la cohérence). Mais la vraie richesse de l'optique argentique est dans la diversité des rendus offerts par des objectifs conçus avec des philosophies différentes. Le "Rendu" vs. la "Perfection" : C'est le cœur du débat argentique. Un Leica pré-asphérique ou un Helios 44 (copie soviétique du Biotar) auront un caractère unique (bokeh tournoyant, douceur) souvent plus recherché qu'une correction clinique parfaite.
Cartier-Bresson: le Leica Summicron 50 mm f/2, « Le 50 mm est l’extension naturelle de l’œil. »
Sebastião Salgado: Leica Summicron 35 mm f/2
Richard Avedon: Planar 80mm sur Hasselblad
Diane Arbus
Style : Zeiss Planar 80 mm (Rolleiflex)
Nikkor 50 mm
Jeanloup Sieff: Zeiss Distagon 50 mm f/4 (Hasselblad 6×6) (Équivalent ≈ 28 mm en 24×36), le Biogon 21mm f/4.5 de Carl Zeiss (dans ses versions pour Contax ou, plus tard, pour Leica M via un adaptateur).
Hier (15/12/2025) je suis parti faire des photos à Piennes, la commune de Babcia et Dziadek (ma grand-mère et mon grand-père). Je voulais ramener des photos du bâtiment de vins et spiritueux qui fait l'angle de la place centrale. Le but était de ramener des images des publicités de vins peintes sur les murs avec le coté écaillé, passé, j'aurais du matériau pour le projet Zone Rouge (sur la mémoire et la résilience) et/ou pour le projet Traces/ Ślady sur Babcia et Dziadek. Je me suis préparé, j'ai décidé une semaine à l'avant que j'irais le lundi, la météo prévoyait un temps clair et dégagé. Ce sera le 10-24 mm (équivalent à 15-36 mm en 24x36), pour pouvoir utiliser le 21 mm en plus de mon 24 mm.
Et puis ... rien,
Le bâtiment que je voulais photographier était à l'ombre, le soleil de toute façon était caché derrière une frange de nuages, et des grilles empêchaient l'accès ainsi que de prendre des photos de mes murs aux peintures de boissons d'un autre temps.
Mais, beaucoup plus grave,
Je n'ai jamais été dedans, pour pouvoir sortir des photos je me rends compte que je dois être dans un état d'esprit particulier: c'est un autre moi, un moi intérieur qui ne se révèle que quand je prends des photos, que l'envie est puissante, l'envie de m'exprimer d'une certaine façon, avec mes propres codes, mon rapport au monde.
Pas d'envie, pas de photos.
J'ai terminé cette séance devant la cité radieuse de Le Corbusier à Briey, et toujours rien, d'autant que l'immeuble était lui aussi à l'ombre, et que j'ai eu très froid, les mains gelées.
La photo est un medium qui utilise un instrument de reproduction de la réalité: l'appareil photo. Pour autant, peut on dire que la photo rend compte de la réalité ?
Le parti-pris du regard, celui du cadre.
Une photo n'est autre qu'une lucarne sur ce qui entoure, sur la vie.
Le photographe s'exprime en montrant un petit bout de réalité, son point de vue, ce qui en ressort transcende la réalité, qui devient message, c'est son interprétation du monde.
64 ASA, une fois que les 36 poses sont faites, je sors la cartouche et l'expédie au labo Kodak de Sevran dans sa pochette jaune, et ..., je dois attendre un mois avant qu'elles ne reviennent. Pendant un mois j'ai fait des photos incroyables.
à 26 ans, je monte mon propre labo Noir et Blanc à la maison, autour d'un superbe agrandisseur Beseler 67C. T-MAX 400, papier baryté Tetenal et Agfa ...Je passe des heures à tirer.
Et puis le quotidien, le travail et pendant 30 ans, le désert, des images sans âme, sans volonté.
Maintenant, je redécouvre la photo, l'envie est plus forte que jamais.
Un souffle se fige,
l'air est plus doux,
je (suis) saisis
Et la valse se monde,
le temps reprend ce qu'il vient de donner,
mais sur un 1/125° de seconde,
j'ai capturé un peu d'éternité
Remarque: les textes de ce site ne reflètent que mes pensées, mes opinions. Ils existent pour tenter de mettre des mots sur ce que je ressens de ma pratique.